Section du Rhône de la SEMLH  

 Hommage au Colonel Champagnon 



Allocution du Général Michel FORGET - promotion EA 46 "Saint EX" lors des obsèques à LYON (Église de la Rédemption) le 17/11/08, de René CHAMPAGNON

Avant que cette cérémonie ne s'achève, comment ne pas évoquer devant vous, Jeannie, devant votre fils et sa famille ce que René était pour ses amis et notamment pour ses camarades de la promotion 1946 de l'école de l'Air, la "Saint Ex" , camarades au nom desquels je m'exprime.
Dans une promotion, il arrive que des caractères s'affrontent ou se prêtent à des critiques des uns ou des autres, ce qui est normal. S'agissant de René, je peux affirmer qu'il a toujours fait l'unanimité autour de lui, au Piège, pour son calme, sa gentillesse, son bon coeur et aussi ce solide bon sens dont il fera toujours preuve. Il est resté par la suite un fidèle de notre promo, malgré notre dispersion au gré des mutations, ne ratant pas une occasion de rencontre et se faisant un plaisir, plus récemment, de communiquer périodiquement avec les uns et les autres à partir de son ordinateur dont il faisait le plus large usage!
Ces traits de caractère et notamment ce calme qui était sa marque ne sauraient masquer cette passion hors du commun que René avait pour l'aviation. Passion pour l'aviation militaire qu'il a servie pendant 20 ans en tant qu'officier pilote de chasse avant de servir pendant 20 autres années l'aviation civile avec la même ardeur!
Nous nous sommes retrouvés en 1950, vous vous en souvenez, à DIJON, à la 2ème Escadre de chasse. Nous étions neuf sous-lieutenants de la même promotion, dont René. C'est au sein de cette unité que nous avons fait nos premières armes, sur Vampire. Les heures de vol étaient nombreuses, l'entraînement soutenu, les progressions rapides. Ainsi, le lieutenant René CHAMPAGNON devait assumer son premier commandement, celui de commandant d'escadrille à l'escadron 3/2 "Côte d'Or" dès 1953. Période exaltante pour lui, pour nous tous, mais aussi période endeuillée par de trop nombreux accidents de plusieurs de nos camarades ont payé de leur vie le dur apprentissage de leur métier.
Ensuite, pendant 4 ans, de 1956 à 1959, vous quittiez Dijon pour REIMS : René était affecté à la 3ème escadre de chasse équipée de F84F. Comme capitaine, il devait commander le glorieux escadron 2/3 "Champagne". Le "Champagne" ! le groupe de chasse aux 111 victoires aériennes dont 75 homologuées pendant la campagne de 1940 où se sont illustrés Marin la Mêlée, Accart, Rouquette, de grands noms de l'Armée de l'Air : un très beau commandement pour René. Une belle marque de confiance de la part de ses chefs qui l'ont placé à la tête d'une telle unité.
Après REIMS, comme pour la quasi totalité d'entre nous, René partait en Algérie, en 1959/1960 pour commander notamment une escadrille de T6, à PAUL CAZELLE, où il effectuait 235 missions de guerre, ce qui lui valait deux citations dont une à l'ordre de l'armée aérienne - et la croix de chevalier de la Légion d'honneur à l'âge de 31 ans.
Après le soleil d'Alger, ce furent de nouveau les brumes de l'Est, plus précisément celles de la Haute Marne à SAINT DIZIER où le commandant René CHAMPAGNON prenait successivement les fonctions de chef des opérations, de commandant en second puis de commandant en titre de la 1ère Escadre de Chasse, l'escadre, c'est à dire le poste le plus élevé dans la hiérarchie des unités de chasse.
A la fin de son commandement, en mai 1964, René décidait de quitter le service actif. Peut être ne se sentait-il pas particulièrement attiré par les postes en État-Major qui l'attendaient , même s'il avait toutes les qualités pour y réussir. En tout cas, après 20 années de service, avec 4000 heures de vol à son actif dont 2700 sur avion à réaction, ce qui pour un pilote de chasse était un beau score, c'était là parfaitement son droit, même si certains ont regretté ce départ.
Une deuxième phase de sa carrière s'ouvrait, ici, à LYON où il devenait directeur d'un hôtel, l'Hôtel des Beaux Arts jusqu'ici entre les mains, si je me souviens bien, Jeannie, de vos parents.
Mais le virus de l'aviation était encore là, qu'une activité soutenue en aéroclub ne parvenait pas à neutraliser. Après quelques années, renonçant aux charmes de l'hôtellerie, René, avec l'amicale complicité de Paul GUERS-NEYRAUD, entrait dans une compagnie aérienne, la TRANSAIR, pour entamer une deuxième carrière aéronautique qui allait durer un peu plus de vingt ans. Pilote puis chef pilote-moniteur dans cette compagnie, son activité aérienne allait bondir jusqu'à totaliser 20.000 heures de vol au moment de sa retraite, en 1992. Il avait 65 ans.
20.000 heures de vol! Soutenir une telle activité aérienne fut sa façon à lui de prendre sa revanche sur le destin et de "faire face" à l'épreuve terrible qui fut la sienne, qui fut la vôtre, celle de la disparition en octobre 1980, de votre fils Jean-Paul lui aussi pilote, victime d'un accident aérien.
Cette blessure restera en lui. Il n'en parlait jamais.
Sa retraite, René l'a vécue ici, à LYON, une ville dont l'aérodrome porte le nom de Saint-Exupéry, une ville où les anciens aviateurs, militaires et civils, sont nombreux et actifs au sein de multiples associations dont il faisait parti - l'association des anciens élève de l'Ecole de l'Air, l'union régionale des associations aéronautiques, la société d'entraide des membres de la Légion d'honneur (René était officier de la Légion d'honneur depuis 1977), l'ANORAA (René était colonel de réserve) - associations dont je salue les présidents et les membres aujourd'hui présents à cette cérémonie.
Retraite à la fois paisible et active, quelque peu perturbée cependant par des problèmes de santé, lesquels n'ont pas empêché notre ami de rester lui même et de faire preuve d'une sollicitude constante vis à vis de ceux de ses camarades qui devaient faire face, eux aussi, à des problèmes dus à l'âge. Jusqu'à cette nuit du 11 au 12 novembre où il nous a quittés tout d'un coup, sans doute sans même s'en rendre compte... Certes, pour les croyants, ce n'est qu'un au-revoir. Pour tous, croyants et non croyants, c'est une séparation que de toute façon, il nous faut vivre, une séparation difficile pour tous et plus encore pour vous Jeannie, pour vous Daniel et pour les vôtres. Soyez certains que tous vos amis et notamment ceux de la Saint Ex, partagent votre douleur et communient avec vous dans le souvenir de René à qui j'adresse un dernier adieu.

 


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